Si la formation professionnelle reste un pilier de l’économie allemande, elle a un problème d’image. L’année dernière, 43.500 places d’apprentissage n’ont pas trouvé de candidat. Un record.
Quand Ulli Engel a commencé sa carrière, l'apprentissage professionnel était la voie royale en Allemagne. Aujourd'hui, le responsable de la gestion du parc de camions réfrigérés du grossiste alimentaire Mega, à Stuttgart, vient à en douter. « On ne trouve quasiment plus d'apprentis », se plaint-il.
La formation en alternance, faite de théorie et de pratique, est pourtant prometteuse : un apprenti de Mega gagne entre 900 et 1.200 euros brut par mois et peut compter sur un poste à la sortie. Mais Ulli Engel est confronté au déclin de la population allemande et de l'image de la formation professionnelle. « Les entreprises s'arrachent les apprentis et dans cette compétition, les grands groupes comme Daimler ont beaucoup plus de chances que les PME comme nous, dit ce routier de 53 ans. Mais j'ai aussi l'impression que la jeune génération trouve nos métiers moins attractifs».
Déficit de candidats
Mega, qui emploie environ 220 salariés, n'est pas un cas isolé. Selon les chiffres d'un rapport présenté mercredi, 520.300 apprentis sont entrés en formation l'année dernière outre-Rhin, ce qui est à peu près stable. Mais 43.500 places d'apprentissage n'ont pas été pourvues , faute de candidat, contre 17.500 en 2009.
  "Les entreprises se plaignent aussi du manque de maturité ou de compétences sociales des jeunes."
« C'est un record, a regretté la ministre de la Formation et de la Recherche, Johanna Wanka. Nous devons accroître la reconnaissance sociale de l'apprentissage ». Un plaidoyer courant en France mais pas forcément en Allemagne, où la formation duale est perçue comme une des raisons du faible chômage. Pour la ministre, l'enjeu est de régler le problème d'adéquation entre l'offre et la demande.
Certains secteurs, comme la gastronomie, ne trouvent pas d'apprentis et d'autres, comme le soin d'animaux, croulent sous les CV. Idem pour les régions. La Bavière ploie sous les candidatures quand la côte baltique les cherche désespérément.
« Les entreprises se plaignent aussi du manque de maturité ou de compétences sociales des jeunes », ajoute Lena Behmenburg, experte de la formation à la Fédération des employeurs allemands (BDA). Une tendance qui explique peut-être la tentation des professionnels à recruter leurs apprentis plus âgés.
Plus de bacheliers
Selon le rapport annuel, le nombre d'apprentis ayant leur « Abitur » (baccalauréat) en poche n'a jamais été aussi élevé. Ceux-ci sont passés de 18,3 % en 2009 à 27,1 % en 2016. Le résultat d'une course au diplôme académique qui semble pénaliser la formation professionnelle. Sur la plate-forme d'annonces des chambres d'industrie et de commerce, près de deux offres sur trois excluent d'emblée les élèves de Hauptschule », les établissements scolaires entre l'école primaire et la formation professionnelle, critique Elke Hannack, vice-présidente de la Confédération syndicale DGB. Chaque année, 120.000 jeunes se trouvent ainsi sur le carreau. « Nous critiquons aussi le fait que les entreprises proposent des places d'apprentissage seulement pour les bacheliers », dit Johanna Wanka. Mais elle voit un vivier chez les étudiants qui échouent à l'université. « Nous voulons nous attaquer à ce segment », dit-elle, notant que 40 % des étudiants en électrotechnique abandonnent leurs études.
Offensives en faveur des réfugiés
Le gouvernement multiplie les offensives, notamment en faveur des réfugiés. Mais les chambres d'industrie et de commerce, qui sont partenaires, sont aussi actives. Celle de Stuttgart propose des rencontres de « speed dating » entre sociétés et candidats. «Nos membres sont très enthousiastes », souligne sa porte-parole, Anke Seifert.
C'est comme cela que Mega a finalement trouvé la perle rare : un Roumain de 24 ans. Si celui-ci a rechigné à accepter une formation moins rémunérée que son précédent poste, Ulli Engel l'a convaincu avec un argument de poids. « En Allemagne, sans certificat, tu n'es rien », lui a-t-il dit.
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jean luc 