voici un article de la semaine dernière source
bonne lecture.........
Des protections douanières qui coûtent cher
À qui profite notre système douanier ? Pas au pays ni aux consommateurs, qui paient chacun, et au prix fort, un dispositif favorable aux entreprises locales. Voilà le constat que dresse la Chambre des comptes, dans un rapport sur la fiscalité calédonienne. Plongée dans une machine à rendre la vie chère.
Pour importer un produit en Nouvelle-Calédonie, l’entrepreneur Lambda doit franchir une double barrière douanière : les taxes d’un côté (8 000 tarifs, de 2 % à 60 %), et les quotas de l’autre (331 produits limités ou interdits). Au bout de la chaîne, le produit sera aussi cher que ses concurrents locaux, et disponible en faible quantité.
C’est ce système que pointe du doigt la Chambre territoriale des comptes (CTC), dans un rapport sur les recettes fiscales de Nouvelle-Calédonie.
Sur le principe, la CTC ne met pas en cause le protectionnisme commercial. La Chambre regrette simplement que le système soit à la fois « opaque » et « incohérent ». Tout cela pour un résultat « très favorable aux acteurs économiques locaux (...) et aux investisseurs», mais pénalisant pour les consommateurs.
Car le blindage anti-concurrence fait grimper « anormalement » le prix de vente des produits locaux. Et comme le prix des importations est calqué sur celui de l’offre locale (lire en Repères), le serpent se mord la queue et les marges s’entassent. Dès lors, estime la CTC, les taxes douanières, « normalement bien public au service de la collectivité, deviennent un bien privé au service d’intérêts sectoriels ou particuliers ».
En démontant la mécanique douanière, les magistrats prouvent que tous ces défauts sont liés, bien ancrés dans d’anciennes pratiques. L’« opacité » provient d’une « superposition de taxes et de quotas ». Pourquoi autant de textes ? Parce qu’une « activité de lobbying (...) a conduit, au fil du temps, à l’accumulation de mesures spécifiques ». Cette politique « sur mesure » a longtemps été la règle dans la fixation des quotas, qui se fait d’année en année. Jusqu’en 2007, la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) guidait la main des élus, à travers une commission consultative.
« Les besoins en produits importés étant régulièrement sous-évalués, une forme de pénurie se trouve organisée
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Mais « les liens existant parfois entre les bénéficiaires des mesures et les autorités (...) étaient susceptibles d’altérer gravement le processus de décision ». En clair : il existait un risque de mettre en place des rentes de situation. « Ont pu être interdits, par exemple, les “pantalons et shorts en tissus Denim dont le tour de taille est supérieur à 86 cm” (...) Il ne manque plus que la marque du fabricant local », s’amusent les magistrats.
Les anomalies commencent lorsque l’économie réelle n’est pas prise en compte. C’est le cas pour les fruits et légumes. « Les besoins en produits importés étant régulièrement sous-évalués, une forme de pénurie se trouve organisée » dans ce secteur, selon un ancien directeur des douanes. De la même manière, les quotas de saucisson, de pots d’échappement ou de chauffe-eau solaires importés sont largement supérieurs à la consommation effective. Aucun risque de voir débarquer un concurrent étranger, et éventuellement moins cher…
D’autant que les taxes, elles aussi, ont perdu de leur pertinence. D’un côté, certains produits courants sont lourdement imposés : vêtements de travail (89 %), papier pour imprimante (71 %), chips (84 %), barres chocolatées (100 %), etc. De l’autre, d’« innombrables exonérations » brouillent le système, et coûtent cher à la collectivité (11 milliards CFP de manque à gagner en 2007).
Aujourd’hui, le dispositif douanier est en évolution. Pour les quotas, la CCI a été remplacée par un comité mixte (le Comex). « Une amélioration », pour la CTC, mais « les marges bénéficiaires des entreprises locales protégées et la qualité de leurs produits » ne sont pas assez prises en compte au moment de trancher. La structure des prix et les tarifs douaniers font déjà partie des sujets phares des prochaines provinciales.
Marc Baltzer